« Immobiliare »

"Vous travaillez ?" me demande-t-elle [*]

J’opine mollement.

"Non parce que si vous ne travaillez pas, reprend-elle, évidemment .."

J’apprécie ce "évidemment" et le ton faussement désolé sur lequel il a été prononcé.
Cela dit, je n’en pense pas moins non plus !
Mais j’ai bien compris, compris ce qui ne fut pas dit.
Si je ne travaille pas, je n’aurai pas d’appartement.
Vulgairement, je peux me gratter, quoi !
C’est le fameux théorème du "Pas de bras, pas de chocolat."

Oh ça va, je ne suis pas naïf, je le sais bien que lorsqu’on ne travaille pas, ce n’est même pas la peine d’entrer dans une agence immobilière.
Mais tout de même, j’aurais pu avoir … une fortune personnelle !
Mais non.
Je ne dois pas avoir la tête de quelqu’un jouissant d’une fortune personnelle.
Comme ça, au moins, je le saurai ; inutile de jouer là-dessus.

Mais alors, pensais-je, si un homme, une femme, met un pied dans une agence immobilière, qu’il dit, voilà, je sais, je n’ai pas de boulot, mais croyez-moi, j’ai la rage, vous m’entendez, LA RAGE, je l’ai à tel point que dans un mois, grand maximum, j’aurai un job, vous pouvez me croire, je vais me battre comme un beau diable, vous savez comme Dustin Hoffman dans "Kramer Contre Kramer", même que le job, il le trouve le jour de Noël.
Ou la veille, je sais plus.
Mais c’est son fils, la garde de son fils qui est en jeu.
C’est pour ça qu’il se bat et le trouve le job.
Eh bien moi, madame de l’agence immobilière, c’est comme si j’en avais plein des fils, des tas de fils, vous voyez, je le trouverai ce boulot.
Bien avant un mois.

"Evidemment .." Répondra la dame.

Ce qui voudra dire qu’elle est désolée, mais non, ça n’est pas possible, ce n’est pas de ma faute, vous savez, je comprends votre situation (c’est ignoble de dire ça "Je comprends votre situation" dans un moment pareil, non ?) seulement voilà, c’est non.

Je me disais alors qu’il fallait qu’elle soit bien immense la rage de cet homme, de cette femme, pour ne pas, là, lâcher prise.
Pour ne pas hurler.
Je me disais que ce pays – ce monde même – est étrange.
Au lieu d’aider, de pousser celles et ceux qui en ont besoin, qui ont la rage, on préfère proposer à ceux qui ont déjà un travail, de travailler plus pour gagner …
Pour gagner quoi, au fait ?
Ce que les autres n’ont pas ?

[*] Si elle m’a demandé si je travaillais, c’est que, non seulement je n’ai pas la tête de quelqu’un jouissant d’une fortune personnelle, mais surtout, je dois avoir la tête d’un mec qui n’a pas de boulot.
Pas loin : je suis juste en vacances …

 

3 commentaires sur “« Immobiliare »

  1. (m\’énerve ce msn à faire celui qui me connaît pas…)
    Oué, bin et itou pour un job, s\’éccrocher, se battre bec et ongles pour l\’avoir, ce job, même si " evidemment, vous comprenez, sans l\’expérience…" ou " oui car évidemment, avec 3 enfants…" et le meilleur, " évidemment, vous comprenez, sans les diplômes (incohérents, juste pour la sélection)"…
    On ne prête qu\’aux riches.
    Riches de quoi?
    Des bizettes 

  2. Ah mais, j\’étais en ligne avec quelqu\’un de charitable qui m\’aidait à trouver un appart sur la ville rose, enfin !Ok, d\’ac, la prochaine fois – soit très bientôt – tu seras la première que je saluerai bien bas sur msn.Promis !!! 

  3. Maisc\’est pas ta faute à toi, mais à ce msn qui fait son crâneur à chaqu fois que je viens déposer une petite sucrerie ici…
    Des bizettes 

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